L'interview | Cristina Davies
Comment présenteriez-vous votre organisation en quelques mots? En quoi consiste votre fonction? Quel est votre objectif? |
La Fondation Suisse pour le HCR, Switzerland for UNHCR, est le partenaire national pour la Suisse de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Elle a été créée en 2020 afin de soutenir la mission du HCR, en mobilisant des ressources vitales pour les programmes de l’Agence, et en sensibilisant la population en faveur des personnes forcées de fuir.
A l’heure où les murs s’érigent et où les réfugiés sont de plus en plus instrumentalisés, par le biais du monde politique ou des médias, il est essentiel d’avoir un impact positif sur la perception que le public peut avoir sur les réfugiés en Suisse. Jusqu’ici, 84 millions de personnes dans le monde ont été forcées de fuir leur foyer, ce sont autant d’histoires individuelles de femmes, d’hommes et d’enfants qui ont dû tout quitter.
Mon passage du siège du HCR à la Fondation reflète notre nouvel objectif pour le pays : créer un ancrage encore plus local pour le HCR, plus proche des acteurs du secteur privé et de la société civile en général.
Parmi la concentration d'acteurs à Genève (OI, ONG, missions permanentes, universités et secteur privé), avec qui travaillez-vous et comment? |
En tant que fondation de droit suisse, enregistrée à Genève, nos premiers interlocuteurs sont le secteur privé et le public en général. Dans une moindre mesure, nous maintenons également des relations avec le monde académique et la société civile, toujours dans le cadre de nos objectifs de plaidoyer en faveur des réfugiés, et de mobilisation de ressources en faveur de cette cause.
Quelles sont les forces et les faiblesses de Genève en ce qui concerne le développement de votre activité? |
Le siège du HCR est à Genève et la Convention relative au statut des réfugiés a aussi été adoptée dans la cité de Calvin, en 1951. Lorsque nous avons décidé d’établir la Fondation, j’ai d’abord considéré Berne, pour sa situation centrale sur le territoire helvétique. Après réflexion, le rôle central de Genève pour le secteur humanitaire et le fait que notre siège global soit aussi établi dans la ville nous a naturellement porté à revoir cette première intention. En toute transparence, si le siège du HCR n’avait pas été à Genève, je ne suis pas certaine que notre fondation aurait été créée ici.
Malgré cela, lorsque nous avons contacté les services de la Genève Internationale du Canton, nous nous sommes tout de suite sentis écoutés et soutenus. Et il existe sur place un écosystème d’acteurs et de soutiens dans notre domaine qui n’a probablement pas d’équivalent en Suisse.
Néanmoins, ce qui est vrai à Genève, ne l’est pas forcément sur le reste du territoire national, et c’est une réalité à laquelle nous devons faire attention au quotidien. Nous sommes géographiquement en périphérie du reste de la Suisse, et il est donc important de s’assurer que nos messages et nos initiatives atteignent aussi, par exemple, les 77% d’habitants non-francophones.
A quoi devrait ressembler la gouvernance mondiale dans 20 à 30 ans? |
Malheureusement je ne possède pas de boule de cristal. Plus sérieusement, c’est une question à la hauteur des enjeux qu’elle représente, et qui est très difficile à aborder en quelques lignes. Je crois profondément aux valeurs intrinsèques qu’un système multilatéral peut apporter, mais il est difficile de prédire la direction que le monde prendra dans 20 ans, et encore moins dans 30 ans.
Nous vivons des instants d’incertitude qui m’inquiètent. Ces dernières vingt années ont vu l’érosion du système multilatéral et un basculement vers un monde multipolaire instable et de plus en plus replié sur lui-même.
Quelle question auriez-vous aimé que l'on vous pose? |
J'aurai souhaité que la question suivante soit posée : Quel a été l’impact du conflit en Ukraine sur votre travail ces dernières semaines ?
Un impact énorme. Depuis le premier jour du conflit en Ukraine, toutes nos équipes travaillent d’arrache-pied pour mobiliser les fonds essentiels pour nos opérations sur le terrain et apporter une couverture médiatique sur la situation et sur les messages du HCR.
Un travail à l’image de l’énormité du conflit. En 12 jours, ce sont déjà plus de 2 millions de personnes qui ont fui les combats et se sont réfugiées dans les pays voisins. Et ces chiffres continuent d'augmenter. Si la situation continue de se détériorer, ce seront jusqu’à 12 millions de personnes à l’intérieur de l’Ukraine, et 4 millions de réfugiés en provenance de l’Ukraine qui auront besoin d’assistance et de protection. Nous sommes tout simplement les témoins du plus grand déplacement de population en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, et ceci à un rythme fulgurant. Pour faire face à cette situation, le HCR a intensifié sa réponse à l’intérieur de l’Ukraine, mais aussi pour soutenir les pays limitrophes et au-delà afin qu'ils soient en mesure de répondre à l’arrivée de nombreux réfugiés, en très grande majorité des enfants et des femmes.
Je tiens d’ailleurs à souligner l’énorme soutien apporté par la population et le secteur privé suisse. Cet élan de solidarité incroyable, issue d’une longue tradition de soutien envers les réfugiés, renforce d’autant plus l’image d’une suisse engagée en faveur des causes humanitaires.