Quelques salles exceptionnelles

Le Palais des Nations, bâtiment monumental, n’a pas été classé au Patrimoine de l’humanité mais son intérieur recèle des trésors de l’Art Déco, des salles richement décorées et une collection d’œuvres d’art offertes par les Etats membres. Ses hauts plafonds, les sols en marbre, les baies vitrées, le linoleum de certains couloirs datant des années 30, les luminaires et d’autres éléments de décoration donnent au Palais des Nations une saveur et un charme désuet.

Dès les origines, certains pays firent don des installations et du mobilier de quelques salles, par exemple la Salle de Lettonie (1938 et 1995), la Salle italienne, la Salle danoise, Sud africaine, la Salle du Conseil dont la décoration de José-Maria Sert fut offerte par l’Espagne républicaine. Quant au bâtiment de six étages accueillant la magnifique bibliothèque, financée par  John D. Roosevelt en 1927, il s’agit de l’aile la moins retouchée. Les parties métalliques, notamment les cadres des portes et les balustrades, sont peintes en vert foncé et les murs en vert clair. Lors de sa construction, cette bibliothèque était considérée comme l’une des plus modernes du monde.

Depuis le début des années 2000, conscients de la valeur patrimoniale du Palais, certains Etats ont financé la rénovation ou la décoration de plusieurs salles de conférence :

  • De 2002 à 2003, la Roumanie aménage la Salle IV.
  • De 2003 à 2006, la Suisse restaure les fresques et le mobilier du Salon des Délégués.
  • De 2003 à 2004, la Lithuanie rénove la Salle S-1.
  • En 2005, la France refait à l’identique le Salon Français dit Leleu.
  • En 2006, l’Azerbaidjan offre la réfection de la Salle XV.
  • De 2007 à 2008, l’Espagne fait entièrement refaire la Salle XX du bâtiment E ou Salle Barcelo.
  • De 2010 à 2011, le Maroc refait la Salle S-4.

 

Coup de projecteur sur la Salle des droits de l’Homme

Après sa rénovation et sa réhabilitation complète, l'ancienne Salle XX, dite Salle Suisse, avec ses 754 places assises équipées des dernières technologies, a été baptisée Salle des Droits de l’Homme et de l’Alliance des Civilisations. L’ensemble des travaux a coûté à l’État espagnol presque 20 millions d’Euros, représentant le don le plus important jamais offert aux Nations Unies en une seule fois, pour la décoration.

La salle est à couper le souffle. Son plafond recouvert de stalactites irrégulières, évoquant la mer dans des tons pastels, procure une sensation de mouvement perpétuel. Cette œuvre créée par l'artiste espagnol de réputation internationale Miquel Barceló, a nécessité de très nombreuses couches de peinture et la création d’un maillage très résistant pour retenir le poids des stalactites et de toute la voûte. Cette impressionnante sculpture s’avéra une prouesse technique et une œuvre complexe à exécuter, plus de 30 tonnes de peintures ont été nécessaires à sa réalisation.  Une dizaine de jours après son inauguration, la salle dû être fermée au public pour y effectuer quelques retouches assurant la résistance des fameuse stalactites.

Barceló prit un appartement à Genève pédant une année. Il travailla à la réalisation de son œuvre avec une vingtaine d'assistants, donnant une deuxième vie à la salle de conférence XX du Palais des Nations à Genève. Dans les années 1970, un projet de décoration de cette salle ronde fut proposé à Marc Chagall qui déclina l’invitation. L'œuvre de Barceló , recouvrant 1'500 m2 a été inaugurée en novembre 2008 par le roi Juan Carlos et le secrétaire général de l'ONU, M. Ban Ki-moon. C’est là que se réunit désormais le Conseil des droits de l'homme.

Le Salon français ou Leleu

Le Salon Français est l’un des joyaux du Palais des Nations, conservé intact depuis ses origines. Il était autrefois nommé salon privé du Conseil. Sa décoration fut confiée au fameux décorateur français Jules Leleu qui aménagea les 150m2 de surface et les murs de 7 mètres de hauteur avec un goût et un raffinement exquis.

Les couleurs dominantes du salon sont le rouge, le beige et le noir et son élément décoratif le plus impressionnant est un  panneau mural de 25 m2. Il s’agit d’une composition en verre gravé, signée Anatole Kasskoff et représentant des jeunes femmes jouant avec des colombes de la paix et cueillant du laurier. L’éclairage de la pièce mérite une mention spéciale, les tubes incandescents d’époque côtoient de très belles appliques en albâtre orange et bronze doré.

Ce lieu prestigieux fut le siège d’un scandale qui éclata en 2004 lorsque certains des ouvriers chargés de la rénovation découvrirent dans une boiserie une installation sophistiquée d’espionnage. Il s’agissait d’un système d’enregistrement, datant de 2-3 ans et fabriqué dans un pays de l’Est. Or, c’est dans ce salon que se tenait chaque mercredi la vidéo conférence directoriale entre Genève et New York. Un lieu cossu et confortable dont les portes restent désormais presque toujours fermées.

Le Salon des délégués

La Salle VI (203 m2), décorée par la Suisse, a conservé son aspect d’origine à l’exception du mobilier. C’était au départ une salle de commissions, transformée en bar dans les années 1960. C’est là que viennent prendre leur café les délégués, en lisant leur journal ou un récent rapport. Trois côtés du salon sont recouverts de peintures murales qui composent un très bel ensemble. Sur la paroi côté Cour d’honneur, les fresques du peintre et architecte soleurois Karl Hügin se présentent en trois panneaux dédiés à des scènes de l’histoire suisse : le serment du Grütli, la capture de Guillaume Tell et Saint Nicolas de Flue. Sur un deuxième mur (côté Jura), un grand panneau représente des scènes bibliques dont Saint Georges terrassant le dragon. Finalement, côté lac, une autre œuvre du même artiste rend hommage aux victimes de la guerre, dans les mêmes tons chauds, ocre, beige et bleu.

I.G.-G., 6 mars 2012