L'interview | Itonde Kakoma
Comment présenteriez-vous votre organisation en quelques mots ? En quoi consiste votre fonction? Quel est votre objectif? |
Interpeace est une organisation internationale basée à Genève qui s’engage pour la prévention de la violence et la consolidation de la paix. Nous existons depuis 30 ans et nous sommes actifs dans plus 20 pays, en Afrique, au Moyen-Orient, en Europe, en Amérique latine et en Asie du Sud-Est. Nous nous engageons également à soutenir les efforts de la communauté internationale, en particulier les Nations Unies, pour consolider la paix à l'échelle mondiale.
Maintenant plus que jamais, l'augmentation des conflits armés internes ou entre États aux quatre coins du globe souligne le rôle important d’Interpeace. En tant que président, ma fonction est claire : être un ambassadeur pour la paix et promouvoir des approches qui permettent de débloquer le conflit sans recourir à la violence ou à la force. Pour nous, la paix, ce n’est pas juste l'absence de violence : c’est une démarche globale et sociétale qui prend en compte les problématiques de cohésion sociale, de résilience individuelle, d'inclusion, ainsi que la confiance dans les institutions et leur capacité de réaction
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Nous sommes conscients de la complexité des défis actuels en matière de paix et de sécurité et nous savons qu'aucune organisation n’est en mesure de les relever seule. Notre longue expérience dans le domaine souligne l'importance de partenariats respectueux et transparents qui permettent à chaque partie de jouer un rôle vital pour établir et maintenir la paix. C'est pourquoi nous collaborons avec de nombreuses organisations et institutions locales, en priorisant leurs contributions et leur capacité d’action. Pour assurer un impact durable, nous collaborons aussi avec les États dans le but d'inscrire la paix au sein des structures et des pratiques institutionnelles, et avec la communauté internationale, y compris les organisations humanitaires et de soutien au développement, pour réévaluer les approches existantes et utiliser plus efficacement les ressources de chacun.
Notre vision de la consolidation de la paix est centrée sur la personne. Comme chaque situation est unique, notre approche se fonde sur les principes suivants : maîtrise locale, renforcement de la confiance, collaboration avec tous les groupes concernés, engagement à long terme, et l'importance du processus pour obtenir le résultat désiré.
Quelles sont les forces et les faiblesses de Genève en ce qui concerne le développement de votre activité? |
Genève est un centre névralgique pour la coopération et la diplomatie internationales, une plateforme unique pour le dialogue et la coordination. C'est également la ville de la paix. Les nombreuses organisations internationales et missions diplomatiques qui y ont élu domicile constituent une plateforme unique pour le plaidoyer pour la paix et permettent de nouer des liens avec des experts de toute sorte, identifier des synergies, et améliorer notre action et notre impact.
Genève reste un espace de confiance pour le dialogue et la coopération, dans tous les domaines. Elle a une longue tradition de dialogue pour la paix. C'est d’ailleurs en vertu de cette tradition que notre organisation a vu le jour ici, il y a 30 ans. Depuis, à travers nos activités, nous contribuons au rayonnement de la Genève internationale en tant que « cité de la paix ». Mais le monde est en train de changer ; pour continuer à jouer son rôle de plateforme de confiance où toutes les parties, surtout celles qui ne partagent pas les mêmes idées, peuvent échanger, Genève devra collaborer plus étroitement avec des villes dans plusieurs régions du monde qui, comme elle, constituent un espace de dialogue multilatéral pour le règlement pacifique des conflits.
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L'avenir de la consolidation de la paix est inextricablement lié à celui du multilatéralisme. Tous deux doivent présenter une vision durable de la paix et du multilatéralisme pour les années à venir. J'espère que la gouvernance mondiale du futur incarnera la confiance entre les États, les individus, les sociétés, et au sein des systèmes que nous appelons de nos vœux, et favorisera l'émergence de nouveaux espaces de dialogue pour promouvoir la paix et la sécurité internationales sur le plan régional et mondial. Cela implique que la paix soit intégrée dans l'action de toutes les institutions qui constituent le système multilatéral, dans la mesure où la paix et la sécurité sont au centre de leurs documents fondateurs et font donc partie de leurs mandats respectifs. Les institutions financières ne font pas exception: elles peuvent contribuer en investissant de manière à soutenir la paix.
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Il faut prendre le temps de réfléchir à la situation actuelle : les appels à la guerre et à la violence, et l'écho qui leur est donné au sein de divers espaces de discussion multilatérale et politique résonnent plus fort que les arguments en faveur de la paix.
Ce qui m'empêche de dormir la nuit c'est le niveau de destruction qui accompagne les conflits armés – des villes entières détruites, des populations déplacées à une vitesse cataclysmique, non seulement à cause du conflit, mais aussi à la suite de catastrophes cycliques qui contribuent à aggraver ces défis. En particulier, le coût élevé de la guerre et les moyens importants nécessaires pour, d'une part, soulager les situations d'urgence et, de l’autre, concevoir et mettre en œuvre des démarches de reconstruction post-conflit qui contribuent à la cohésion sociale et à des sociétés plus pacifiques.
L'état du monde d’aujourd’hui présente un défi crucial à nous et à nos pairs. Il nous incombe à tous de trouver des arguments beaucoup plus convaincants pour la paix, ce qu’elle représente concrètement et comment la maintenir. C'est notre responsabilité commune. Nous devons aussi envoyer un message ciblé aux générations actuelles et futures pour les encourager à s'engager, envers et contre tous, pour la coopération au-delà des intérêts nationaux égoïstes qui nuisent au maintien de la paix et de la sécurité internationale.
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