Promouvoir une coopération responsable dans l'espace

En 2025, l’Union internationale des télécommunications fête ses 160 ans d'existence. À l'ère du numérique, sa mission se déploie sur terre, dans la mer et dans le ciel.

Cet article, le premier d'une série publiée par le Service de la Genève internationale, aborde la question des communications spatiales et la contribution de l'UIT à cet enjeu pressant. Il explique comment l'organisation contribue au rayonnement de Genève en tant que pôle pour l'innovation, le dialogue et le multilatéralisme et soutient le développement de l'industrie spatiale suisse.
 

Le regard rivé sur l'espace

Depuis la nuit de temps, les hommes scrutent le ciel nocturne, contemplant le mouvement des astres, la fulgurance des comètes, le brouillard d'étoiles de la Voie lactée. Aujourd'hui, l’observateur moyen confond souvent satellites, étoiles et planètes…

Pas étonnant, lorsqu'on sait que des milliers de satellites sont actuellement en orbite autour de la terre. Ces satellites permettent aux habitants des régions les plus isolées de se connecter au monde, fournissent des informations vitales pour l'agriculture, facilitent les télécommunications en cas de catastrophe et relayent des données essentielles pour la recherche, le commerce et la prise de décisions politiques. Depuis des décennies déjà, des satellites géostationnaires survolent la terre à une altitude de 36 000 km de l'équateur. Désormais, ce sont des constellations entières de petits satellites qui tournoient au-dessus de nos têtes à une altitude inférieure à 2 000 km.

Cette croissance exponentielle entraîne de nouveaux défis : risque accru de collisions, de pannes, et d'interruption de services, augmentation rapide des débris spatiaux. Alors que le nombre de satellites en activité explose, la coopération multilatérale est plus nécessaire que jamais pour assurer une bonne utilisation de l'espace. Cela peut sembler contre-intuitif, mais l'espace orbital n'est pas infini.
 

La pesée des intérêts dans l'espace

Saviez-vous que l'UIT gère une des ressources spatiales les plus importantes pour l'humanité ? En effet, l’organisation basée à Genève est chargée de coordonner l’utilisation des fréquences radio pour la transmission de données sans fil, de la téléphonie mobile au Wi-Fi en passant par la télévision et les satellites de télécommunication. En 1906 déjà, l’UIT est chargée de coordonner la « télégraphie sans fil ». En 1947, elle devient une agence spécialisée de l'ONU. La première conférence de l'UIT sur l'espace, en 1963, marque le début de la coordination internationale du spectre des fréquences radioélectriques et des orbites satellites.

Comme l'eau, les fréquences radio sont une ressource finie qui doit être répartie équitablement. Chaque bande de fréquences peut transmettre une quantité limitée de données : si elle devient trop encombrée, cela peut entraîner des interférences électromagnétiques qui ont un impact négatif sur les systèmes de communication, l'industrie aérospatiale, les communications militaires et même le fonctionnement de nos appareils ménagers.

C'est là qu'intervient l'UIT. Créé il y a plus d'un siècle et constamment mis à jour depuis, le Règlement des radiocommunications de l'UIT définit les principes de l'utilisation du spectre radio, sur terre comme dans l'espace. L'UIT enregistre, coordonne et répartit les fréquences aux systèmes de communication autorisés, qu’ils soient terrestres ou spatiaux, et élabore le système de normes qui encadre l’utilisation responsable de l'espace.

Pour limiter les risques, l'UIT facilite la communication entre les États, les autorités de surveillance, les scientifiques, les experts techniques, et les industries qui utilisent les fréquences radioélectriques. Elle permet ainsi à tous ces acteurs de signaler des interférences, éviter les malentendus et limiter les tensions autour de l'utilisation des orbites.

L'UIT compile également des stratégies de désorbitation et d'élimination des débris spatiaux, en collaboration avec ses partenaires des Nations Unies et les États, afin d'encourager les utilisateurs à suivre les recommandations du Bureau des affaires spatiales de l'ONU et laisser l'espace aussi propre qu'ils l'ont trouvé.

Aujourd'hui, tous les pays ont recours aux services satellites pour renforcer leur connectivité et collecter des données essentielles. La réduction de la taille des satellites a fait baisser le prix de lancement et de maintenance de ces équipements, mais ils restent chers pour les pays à faible revenu. L'UIT mène des actions de plaidoyer pour que ces pays puissent aussi bénéficier de cette technologie.

« Tous n'ont pas accès de manière égale à l'espace, » opine Doreen Bogdan-Martin, secrétaire générale de l'IUT. L'enjeu est essentiellement socio-économique. « En tant qu'agence de l'ONU pour les technologies numériques et le gardien du spectre radio sur terre et dans l'espace, l'IUT joue un rôle crucial. »
 

Genève : une tradition de multilatéralisme dans l'espace

S'agissant de diplomatie multilatérale dans l'espace, Genève fait preuve d'une précision et d'une patience digne d'une montre suisse. En 1960 déjà, trois ans seulement après la mise en orbite de Spoutnik 1 – le premier satellite artificiel au monde –, Genève accueille la Commission préparatoire européenne pour la recherche spatiale, l'ancêtre de l'Agence spatiale européenne. La Conférence sur l'espace de l'UIT a lieu peu de temps après. Premier sommet international du genre, elle a pour objectif de répartir les fréquences radio dans l'espace.

Aujourd'hui, Genève et l'UIT continuent de promouvoir la coordination internationale pour une utilisation responsable de l'espace. En mars 2025, l'UIT signe un accord de coopération historique avec l'Agence spatiale européenne portant sur l'utilisation du spectre radioélectrique, les technologies de surveillance et l'échange d'informations. La Suisse est un membre fondateur de l'Agence spatiale européenne, qui comprend désormais 23 pays membres en Europe ainsi que des membres associés, dont le Canada.

En outre, l'UIT a signé plusieurs accords visant à prévenir les risques liés aux satellites pour le spectre radioélectrique, par exemple un accord avec le Qatar en février 2025 visant à surveiller les interférences nuisibles via les six stations terriennes du pays. Grâce à des accords semblables avec la Biélorussie, le Brésil, la Chine, l'Allemagne, Oman, le Pakistan, la Corée et le Vietnam, l'UIT a accès à un réseau mondial de surveillance du spectre.

À travers la coopération spatiale au sein du système des Nations Unies, l'UIT est en contact régulier avec de nombreuses organisations basées à Genève, telles que la Conférence sur le désarmement, l'UNIDIR (sécurité spatiale), l'Organisation météorologique mondiale (satellites météorologiques) et UNOSAT (images satellites pour l'aide humanitaire).

À l'autre bout du lac, l'Institut polytechnique fédéral de Lausanne (EPFL) propose un programme qui met en lien les entreprises et la recherche spatiale.

L'industrie spatiale suisse se développe à grands bonds, tandis qu'à Genève, l'UIT veille à ce que les satellites puissent tranquillement poursuivre leur orbite.

 

La Suisse : chocolat, fromages, montres et… puces satellites

Les fans de James Bond reconnaîtront sans peine la montre Moonwatch, du fabricant suisse Omega, arborée par les astronautes américains ainsi que les divers acteurs qui ont incarné Bond. Aujourd'hui, la Suisse fournit des horloges atomiques pour Galileo, le système européen de positionnement par satellites. À mesure que les satellites rapetissent, les chaînes d'approvisionnement se diversifient et le pays progresse dans la chaîne de valeur de l'industrie spatiale. Aujourd'hui, les entreprises et start-ups suisses fabriquent des puces électroniques hautement sophistiquées, développent des solutions pour la gestion des débris spatiaux et se distinguent par leur capacité d’innovation technologique.


 

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